Anna & François Delmas

1903-1949 3ème Génération 

François Delmas est né en 1870 à Perpignan, il rentre en 1886 en tant qu’apprenti auprès de son père Firmin Delmas. La tradition familiale veut qu’il fut apprenti chez un pâtissier avant de revenir vers la musique. Avec François Delmas, la lignée familiale entre pour longtemps dans l’enseignement de la musique. Elle quitte la fabrication d’instruments eux-mêmes qui n’est guère rentable face au processus d’industrialisation. S’ils ne « font » plus des séries d’instruments, ils sont parfaitement capable de les réparer tous et de les « reconstruire ». Firmin Delmas lui inculque le le gout du travail bien fait qu’il avait tiré de son compagnonnage et de l’enseignement de Pierre Brisillac.

En 1893, après 3 années en tant que « musicien soldat » du 12e Régiment d’infanterie en garnison à Perpignan, il se remet à son travail, qu’il supporte difficilement à cause de la tutelle parentale. Il obtient de séjourner quelques mois à Paris et apprend l’art d’accorder des pianos ; il passe par les manufactures françaises de renom Pleyel, Gaveau Erard. Il est désormais convaincu de l’importance du piano en ce début de 20ème siècle, ou la présence d’un piano dans la pièce principale d’appartements parfois modestes est courante. En rentrant à Perpignan, il tente de convaincre sans succès son père. il se met néanmoins à son compte quelques heures par jour pour accorder des pianos.

Le 18 Février 1897, ses efforts d’apprentissage de la musique – François Delmas est un violoncelliste émérite – sont couronnés lorsqu’il est nommé professeur des classes de cordes au conservatoire de Perpignan. De ce jour et jusqu’en Septembre 1968, soit pendant 71 ans, les Delmas resteront « titulaires de cette chaire », Louis succédant à son père en 1938.

En 1901, devant les réticences de ses parents à élargir les activités, François Delmas saute le pas et ouvre au 7 Rue de la République un « atelier spécial pour la réparation complète et la remise à neuf des pianos. La même année, il épouse Mademoiselle Anna Walter, connue quelques mois plus tôt dans la maison des parents Walter… à la faveur d’un accord de piano.

Quand son père décède en 1903, il réunit au même endroit les deux fonds de commerce Rue de la République. Puis en 1909, il décide de s’installer dans le nouveau quartier de la Gare à Perpignan ou il fait bâtir un immeuble de 2 étages incluant habitation, atelier et magasin. François bénéficie d’une large clientèle. Au noyau des fidèles de ses parents s’ajoutent ses propres clients: professionnels et amateurs de piano, professeurs et élèves du conservatoire. Il est peu de concerts auxquels il ne participe comme violoncelliste… Il n’est pas d’instruments de musique qu’il ne vende. On peut trouver à cette époque les classiques « cordes, cuivres et percussion », mais encore des orgues, des harmoniums, des pianos automatiques, classiques, pneumatiques, des phonographes à rouleaux puis à disque. Il représente Gramophone, Colombia, Telefunken aussi bien que Gaveau Pleyel et Erard. Rien de ce qui est sonorité ne lui est étranger. Il doit surtout sa réputation à son savoir faire de réparateur.

Entre 1914 et 1917, il est mobilisé pour la première guerre mondiale alors que sa femme Anna Walter tiendra la boutique pendant ses absences. La paix revenue, Anna restera maître dans le magasin et la comptabilité alors qu’il passera de plus en plus de temps à l’atelier.  Son fils Louis Delmas, né en 1902 le rejoint en 1920 baccalauréat en poche. Voilà une discontinuité par rapport à son père et grand-père : quand un petit patron envoie son fils au lycée, en ce début de siècle, il accède à la bourgeoisie pas essentiellement liée au patrimoine mais surtout par le niveau d’instruction. Les années d’après guerre demeurent prospères pour le couple Delmas, il acquiert son concurrent Jules Portet en 1920. Dix ans plus tard en 1930 il achètera les établissements Naudo, successeurs de la vieille maison Tixador et Pomès, fondée en 1892. Cette acquisition effectuée, François et Anna demeureront les seuls représentants du piano, avec un image « haut de gamme » en face de la maison Olive, spécialisée dans le « bon marché ».

Les années de la seconde guerre mondiale sont beaucoup plus difficiles à vivre pour la famille qui souffre des privations, surtout après l’occupation de la zone sud en 1942. L’angoisse règne souvent au 86 Avenue de la Gare (Transformée Avenue du maréchal Pétain …) depuis que la Gestapo s’est installée dans l’immeuble d’en face. Au départ des allemands, le quartier failli être soufflé par l’explosion de ce bâtiment, sauvé in-extremis par les résistants. L’activité commerciale se réduit faute d’approvisionnements, et on se réduit de plus en plus aux réparations de fortune.

Une lueur d’espoir en cette période sombre: pour sauver de la fonte la Statue d’Arago, l’entreprise Delmas Musique par l’intermédiaire de François Delmas et de son fils Louis fera don, en 1943, de dizaines d’anciens instruments de cuivres pour permettre aux Perpignanais de réunir les 1 600 kilos de métaux ferreux exigés par l’armée d’Occupation allemande en échange de la statue

En 1945, François Delmas qui a plus de 75 ans a perdu l’esprit d’entreprendre et ne se décide pas à passer la main à Louis Delmas pourtant jugé compétent. Il a oublié que 50 ans plus tôt à ses 25 ans son père Firmin fit de même avec lui… Malgré les souffrances, il vivra ses derniers jours dans son atelier en Février 1949 à près de 79 ans. Né à la fin du règne de Napoléon III, il a pratiquement vécu le temps de la 3ème république dont l’écroulement marque pour lui la fin des années heureuses. Mais il a su évoluer avec son temps et profiter des opportunités pour passer du statut d’artisan locataire à celui plus confortable de négociant-propriétaire. Il a donné aux siens beaucoup plus que la satisfaction vaine d’accéder à la bourgeoisie dont les frontières sont toujours contestables. Grâce à lui sont entrés dans la famille, la curiosité intellectuelle et le gout de la pédagogie.

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